Je ne vous parlerai pas de ma collègue ultra-geek qui mange en lisant des bouquins de science-fiction et me fait rire aux larmes en fermeture quand elle se met à parler du jeu de rôle qu'elle masterise depuis 5 ans. Ni même de la tête d'un autre collègue qui cherchait à comprendre quelque chose à la conversation.
Bref. On m'a demandé l'autre jour ce qu'était un geek. Vaste sujet. Comme tant d'autres mots, le substantif « geek » admet plusieurs acceptions, selon le pays, l'époque (et là tout évolue très vite), le groupe socio-culturel... Ma définition n'est ni la seule ni la meilleure. Ce n'est qu'une tentative. Voilà déjà un petit dessin sympathique sur le sujet.
Le geek serait, pour moi, quelqu'un qui, à l'âge adulte, continue à accorder dans la réalité une large place à ses rêves. En somme, quelqu'un de passionné, mais pas forcément passionnant (il peut même, selon sa passion, avoir l'air à la fois ennuyeux et bizarre, cf Le dîner de cons). Le geek, c'est celui auquel ses passions peuvent donner l'air un peu fou ou décalé... ou même « pas tout à fait adulte ». Bref, c'est quelqu'un de pas fondamentalement raisonnable, souvent un peu dans les nuages, et facilement bavard si on commence incidemment à aborder son domaine de prédilection. Si l'on appelle l'étymologie au secours, geek viendrait du moyen-haut allemand geck, qui signifie littéralement « fou du village, marginal ». En somme, le geek est quelqu'un d'étrange et pas forcément fréquentable.
Le geek n'est pas forcément un fanatique des nouvelles technologies. On peut aussi être « book geek », « history geek », « maths geek » et pourquoi pas « Bible geek » ou « Chuck Norris geek ». L'important n'est pas tant la passion du geek que le simple fait d'être passionné au point d'en devenir potentiellement insupportable, ou au moins, étrange, et de vivre un peu « dans son monde ». On en rencontre un certain nombre parmi les rôlistes, souvent intarissables quand il s'agit de leur personnage, les fanatiques d'Isaac Asimov ou les scientifiques, mais on peut être « geek » de la littérature médiévale ou de la musique pop suédoise (et de Håkan en particulier).
Parmi les geeks célèbres, on peut compter Léonard de Vinci (et sa passion pour les machines volantes, à une époque où on pensait qu'un homme serait tué par une vitesse supérieure à celle du galop d'un cheval), Jules Verne, Isaac Asimov, Linus Torvalds, Richard Stallman, JRR Tolkien, peut-être James Joyce, Blixa Bargeld (dont le degré de geekitude frise l'indécence), Gary Gygax et Dave Arneson (les créateurs de Donjons et Dragons), Tim Burton, Claude-Nicolas Ledoux (architecte mais aussi utopiste) et encore beaucoup d'autres.
Peut-être que cet article peut donner l'impression que j'ai fait l'apologie du geek. Il faut donc que je modère un peu mes propos. Le geek s'expose souvent à quelques problèmes sociaux, dûs à son côté intarissable, et sachant qu'il est difficile de trouver des personnes partageant ses passions bizarres (plus la passion est étrange et plus le geek s'isole... Avant Internet, les geeks étaient souvent solitaires, comme Tolkien). De plus, vivre dans ses rêves comporte quelques risques, en particulier celui d'être un jour brutalement confronté à la réalité et de ne pas le supporter. Souvent, le geek est un être fragile et sensible que ses passions protègent. Cela n'est pas incompatible avec une inaptitude fondamentale à exprimer ses sentiments et une apparente rigidité. Avoir des passions débordantes permet de compenser quelque-chose - l'esprit humain a au moins autant horreur du vide que la nature.
Pour finir, une vidéo de l'une des geeks les plus bizarres que j'ai jamais pu rencontrer : Veronika Moreno, geek de la danse, de la musique, de la médecine, de la littérature, de la traductologie (si, si, ça existe), de l'ésotérisme et de tant de choses encore. Elle avait une bibliothèque aussi étrange que son appartement, une robe de mariée déchirée alors qu'elle ne s'est jamais mariée, des livres en 4 langues différentes et une tumeur au cerveau très rare qui résistait obstinément aux traitements. Elle est décédée en juin 2009, et c'est après sa mort que des gens ont commencé à s'intéresser à son travail de chorégraphe, mais seulement en Amérique latine et aux États-Unis. Encore une qui n'a pas survécu à ses rêves...
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